Abbey Road est le onzième album original publié par les Beatles, paru le 12 septembre 1969 en France,
le 26 septembre 1969 au Royaume-Uni, et le 1er octobre aux États-Unis et au Canada. Bien que sa sortie précède celle
de Let It Be, paru en mai 1970, il est le dernier album enregistré par les « Fab Four ». Le 20 août 1969,
les quatre Beatles sont réunis pour la toute dernière fois en studio et, le 20 septembre, au moment où le disque
est sur le point de paraître, John Lennon met fin au groupe en lui annonçant son départ définitif. La séparation
des Beatles n'est toutefois officialisée qu'en avril 1970.
Après les difficultés rencontrées lors du projet Get Back en janvier 1969, Paul McCartney, au nom de tout le
groupe, contacte le producteur George Martin pour lui proposer d'enregistrer un album « comme avant ».
Après quelques enregistrements effectués entre février et mai 1969, les quatre Beatles se réunissent une dernière
fois aux studios EMI de Londres (qui seront renommés plus tard les studios Abbey Road), en juillet et août 1969,
pour interpréter une collection de chansons dont la plupart avaient été composées, répétées et/ou enregistrées
sous forme de démos à l'époque de l'album blanc et du projet Get Back, toutes retravaillées pour l'occasion.
Abbey Road se distingue avec un pot-pourri (medley) d'un quart d'heure, présentant huit chansons plus ou moins
complètes qui s'enchaînent les unes après les autres, sur sa seconde face. L'album confirme également le talent
d'auteur-compositeur du guitariste George Harrison, qui propose deux de ses plus fameuses compositions avec
les Beatles, et popularise l'utilisation du synthétiseur (en l'occurrence un Moog) dans le rock. La pochette
du disque reste une des plus célèbres de l'histoire de la musique, représentant les Beatles traversant un
passage piéton au croisement de Grove End Road et Abbey Road à Londres, face aux studios où ils ont enregistré
presque toutes leurs chansons depuis 1962.
Cité comme un album particulièrement bien produit et remarquablement construit, Abbey Road est un immense
succès commercial et l'un des albums les plus vendus au monde avec 30 millions d'exemplaires écoulés.
Quarante ans, puis cinquante ans après sa sortie, la popularité d'Abbey Road ne se dément pas, puisque
c'est cet album qui devance toutes les œuvres du groupe au sommet des hit-parades mondiaux à l'occasion
de la réédition en version remasterisée de tout le catalogue des Beatles en septembre 2009. L'étonnant destin
de cet album est également de retrouver la première place des charts au Royaume-Uni en octobre 2019, cinquante ans
après avoir occupé cette place, à l'occasion de la réédition anniversaire de l'œuvre en version « deluxe »,
laquelle monte aussi au troisième rang du Billboard 200 pour une 329e semaine de présence dans ce classement.
Contexte
En avril 1969, ne voulant pas rester sur les difficultés rencontrées lors des sessions du « projet Get Back »,
Paul McCartney contacte le producteur George Martin et lui propose de faire un disque « comme avant ». Martin répond
qu'il est tout à fait prêt à le faire, « mais seulement si vous me laissez vous produire comme je l'ai toujours fait.
John est-il d'accord ? », « oui, oui » répond McCartney. L'ingénieur du son Geoff Emerick, qui avait laissé les Beatles
en plan au milieu des sessions de l'album blanc l'année précédente, accepte lui aussi d'être de la partie. Un de ses assistants
sera Alan Parsons, futur fondateur du Alan Parsons Project.
Les Beatles, qui disposent d'une collection conséquente de chansons encore inexploitées, se réunissent une dernière
fois dans les studios EMI durant l'été 1969. Les quatre membres sont décidés à mettre de côté leurs dissensions, à tirer
dans le même sens, afin de « finir sur une note haute ».
« Le truc avant les sessions d'Abbey Road, c'était qu'il fallait en quelque sorte que nous enlevions nos gants de boxe,
que nous tentions de nous rassembler pour réaliser un album très spécial. D'une certaine manière, nous sentions que ce
serait notre dernière œuvre, alors... montrons encore ce dont nous sommes capables, montrons le à nous-mêmes, et essayons
de prendre du bon temps en le faisant. »
— Paul McCartney
« Nous ne savions pas, ou je ne savais pas que nous allions enregistrer le dernier disque des Beatles, mais nous avions
d'une certaine manière le sentiment que nous étions au bout du chemin. »
— George Harrison
La plupart des chansons sont répétées en janvier 1969 lors des sessions du projet Get Back. Des prises initiales sont
réalisées en février (I Want You, aux studios Trident), en avril (Oh! Darling et Octopus's Garden) et en mai
(You Never Give Me Your Money, aux studios Olympic). Something est travaillé sur toute cette période. Dans ce premier temps,
les Beatles ont l'intention de compléter l'album censé s'appeler Get Back (et qui deviendra à sa publication un an plus
tard Let it Be) et c'est dans cet esprit que ces titres sont enregistrés. Mais c'est finalement à l'été, entre le 1er
juillet et le 25 août 1969 à Abbey Road que l'album est enregistré et mixé dans son ensemble.
Les relations entre John Lennon et Paul McCartney n'ont plus grand-chose à voir avec celles des débuts, et George Harrison
supporte de plus en plus difficilement d'être relégué au second plan. C'est pourtant sur ce disque qu'il signe deux de
ses plus célèbres compositions, Here Comes the Sun, et surtout Something, son seul no 1, et sa seule face A de single)
avec les Beatles.
Si l'ambiance est pesante, l'album n'en sera pas moins l'un de leurs meilleurs (George Martin évoquera même un Sgt.
Pepper volume 2), car tous sont décidés à œuvrer ensemble, pressentant effectivement qu'il s'agira réellement là de leur
dernière œuvre commune. Cependant, John Lennon rate le début des sessions, le temps d'être soigné après un accident de
voiture en Écosse.
Analyse
Simplement, le côté deux fait plus pour moi que l'ensemble du Sgt. Pepper, et je t'échange The Beatles and
Magical Mystery Tour et une baguette Keith Moon contre la première face.
Voilà pour les préliminaires. "Come Together" est John Lennon presque au sommet de sa forme; tordu, librement
associatif, punful lyriquement, pincé et en quelque sorte un peu suffisant vocalement. Enregistré à couper le
souffle (comme tout l'album), avec un parfait petit tam-tam-chapeau dirigé par Ringo fournissant un point-virgule
intelligent à ces étranges shooo -ta, la chanson de campagne de Timothy Leary ouvre les choses de manière grandiose.
La voix de George, contenant moins de végétations adénoïdes et une mélodie de Paul plus granuleuse que jamais
auparavant, est l'un des nombreux points forts de son "Something", certains des autres étant un excellent travail
de batterie, une ligne de guitare accrocheuse, des cordes parfaitement tamisées et un son exceptionnellement
agréable. mélodie. Sa version et celle de Joe Cocker suffiront bien jusqu'à ce que Ray Charles s'y mette.
Paul McCartney et Ray Davies sont les deux seuls écrivains de rock and roll qui auraient pu écrire
"Maxwell's Silver Hammer", une célébration enjouée de vaudeville/music-hall où Paul, d'une humeur coquine
rare, célèbre les joies de pouvoir taper dans la tête de quiconque menace de vous faire tomber. Paul l'exprime
parfaitement avec l'innocence d'enfant de chœur la plus timide qu'on puisse imaginer.
Un jour, juste pour le plaisir, Capitol/Apple devra compiler un album Paul McCartney Sings Rock And Roll ,
avec « Long Tall Sally », « I'm Down », « Helter Skelter » et, très certainement, « Oh ! Darling », dans lequel,
devant une superbe guitare « aïe ! à l'époque des golden groovies.
Que les Beatles puissent unifier d'innombrables fragments musicaux et griffonnages lyriques en une suite
uniformément merveilleuse, comme ils l'ont fait sur la face deux, semble un témoignage puissant que non, ils sont
loin de l'avoir perdu, et non, ils n'ont pas arrêté d'essayer .
Non, au contraire, ils ont réalisé ici la chose la plus proche de la forme libre des Beatles, fusionnant des
idées musicales et lyriques plus diverses et intrigantes dans une pièce qui représente bien plus que la somme
de ces idées.
"Here Comes the Sun", par exemple, semblerait assez médiocre en soi, mais regardez simplement comment John et
surtout Paul s'appuient sur son humeur d'émerveillement enfantin. Comme ici, dans "Parce que", c'est cet enfant,
ou quelqu'un avec l'innocence d'un enfant, qui a l'esprit époustouflé par les phénomènes naturels les plus évidents,
comme le bleu du ciel. Au milieu, remarquez, de belles et complexes harmonies, dont les Beatles n'ont pas tenté
depuis "Dr. Robert.
Puis, juste pour un instant, nous sommes dans "You Never Give Me Your Money" de Paul, qui semble plus un rêve
éveillé qu'une véritable adresse à la fille à laquelle il pense. Autorisés à ne rester pensifs qu'un instant,
nous sommes ensuite transportés, via la voix "Lady Madonna" de Paul et le piano boogie-woogie dans le pont, vers
cette pensée heureuse : "Oh, cette sensation magique/Nowhere to go". Le gazouillis des grillons et une comptine
pour enfants ("1-2-3-4-5-6-7/Tous les bons enfants vont au paradis") nous conduisent à un numéro onirique de John,
"Sun King", dans lequel nous retrouvez-le en train de chanter pour le marché italien, des mots comme amore et felice
nous donnant un indice sur la sensation de cette ballade qui rappelle « In My Room ».
Et puis, avant que nous sachions ce qui s'est passé, nous sommes dans l'Angleterre de John Lennon pour rencontrer
ces deux bizarreries humaines, Mean Mr. Mustard et Polythene Pam. De là, vous pourrez regarder une émission
télévisée surréaliste de l'après-midi, "Elle est entrée par la fenêtre de la salle de bain" de Paul. Pensif et
un peu mélancolique à nouveau un instant plus tard, nous entrons dans "Golden Slumbers", d'où nous nous réveillons
avec les milliers de voix retentissantes de "Carry That Weight", un petit commentaire enjoué des travaux de la
vie s'il en est un, et d'où une reprise du thème "Money" (la mélodie la plus addictive et les paroles inoubliables
de l'album). Enfin, épitaphe parfaite pour notre visite dans le monde des rêves éveillés des Beatles : « L'amour
que tu prends est égal à l'amour que tu fais… » Et, pour mémoire, Paul va faire sienne Sa Majesté.
J'hésiterais à dire que tout est impossible pour lui après avoir écouté Abbey Road les mille premières fois, et
les autres ne sont pas loin derrière. Pour moi, ils sont équivalents, mais toujours inégalés.
COVER-STORY
La pochette d'Abbey Road est, avec celle de Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band, une des plus célèbres et des
plus parodiées15 de l'histoire du rock. Abbey Road et son passage pour piétons sont ainsi un endroit très prisé par les
touristes et les fans du groupe.
Elle consiste en une photographie du groupe traversant la rue Abbey Road sur un passage piéton juste en face des
fameux studios où les Beatles ont enregistré en sept ans la quasi-totalité de leurs titres. John Lennon est en tête dans
une tenue blanche éclatante, suivi de Ringo Starr, de Paul McCartney pieds nus et une cigarette à la main, et de George
Harrison pour fermer la marche. Trois des Beatles sont habillés par Tommy Nutter sauf George Harrison qui est resté en jeans.
L'idée de la photo, comme du nom de l'album, vient, selon les sources, de Paul McCartney, ou de Ringo Starr lâchant au terme
d'une discussion interminable : « On n'a qu'à l'appeler Abbey Road ! ». Il n'y a rien d'autre que cette photo sur la couverture,
le titre de l'album et les autres détails étant inscrits au dos. Le passage piéton est situé au croisement entre Abbey Road
et Grove End Road. L'album doit dans un premier temps s'appeler Everest, en référence à la marque de cigarettes fumées
par Geoff Emerick. L'idée inclut une photo du groupe au pied de l'Himalaya pour la pochette, mais elle ne plaît pas à tout
le monde, jugeant la destination trop éloignée pour une simple photo. Il est donc décidé d'aller la prendre en face des studios.
Suivant une esquisse de McCartney, la photo de la pochette est prise par le photographe Iain MacMillan le vendredi 8 août 1969
vers dix heures le matin en l'espace de 10 minutes. Celui-ci explique le déroulement des opérations : « Je me souviens qu'on
a demandé à un policier de bloquer la circulation pendant que j'étais sur l'escabeau, à prendre les photos.
J'ai pris une série de clichés des Beatles en train de traverser dans un sens. On a laissé quelques voitures passer,
et puis je les ai photographiés pendant qu'ils traversaient dans l'autre sens. La photo qui a été finalement choisie
était la cinquième, sur six prises. C'était la seule où leurs jambes formaient un V parfait, ce que je voulais pour
l'esthétique ». Comme un signe, les Beatles choisissent la prise où ils tournent le dos aux studios et non pas celle
où ils s'y rendent. Le design de la pochette est finalisé par le graphiste John Kosh.
Une anecdote concernant la prise des clichés reste célèbre. Du côté droit de la route dans l'ombre des arbres bordant
celle-ci, se trouve Paul Cole, un touriste américain, pris dans la photo sans le savoir. En vacances à Londres avec sa femme,
il refusa d'entrer dans un musée de plus : « Je lui ai dit, j'ai vu assez de musées. Tu y vas, tu prends bien ton temps,
et moi je reste ici pour voir ce qui se passe dehors. » Cole engagea alors la conversation avec un policier assis
dans son van (visible aussi sur la pochette de l'album), parlant de Londres et du trafic routier. Il finit par voir des
gens traverser la rue « comme une ligne de canards », qu'il prit pour « une bande de fous » à cause des pieds nus de
Paul McCartney. Ce n'est qu'un an plus tard qu'il vit, estomaqué, la pochette de l'album, alors que sa femme essayait
de jouer la chanson Something à l'orgue. La Volkswagen Beetle 1968, modèle 1500 de couleur blanc lotus, qui se trouve à
gauche sur la photo, qui était la voiture d'un résident demeurant près du studio, est aujourd'hui exposée au Stiftung
AutoMuseum à Wolfsbourg en Allemagne.
Le mur de briques avec l'indication Abbey Road N.W. 8, situé au coin des rues Alexandra Road et Abbey Road que l'on
aperçoit à l'arrière de la pochette de l'album a été démoli dans les années 1970. Le panneau affichant le nom de la rue
au coin Grove End Road a été retiré en 2007. Les autorités municipales l'ont perché plus haut sur le mur extérieur
d'une résidence, se protégeant des dépenses engendrées par le nettoyage ou le remplacement du panneau régulièrement
déboulonné par les fans sur quatre décennies. La ville a également coulé dans le béton les bases des poteaux qui
maintenaient les panneaux d'Abbey Road, car ils se faisaient régulièrement voler. Enfin, il est possible, sur de nombreux
sites internet, de voir le fameux zebra en direct grâce à une webcam.
Le 8 août 2009, des centaines de fans se sont réunis sur le passage piéton pour fêter les 40 ans de la photo
qui orne la pochette du disque. Fin mars 2020, lors du confinement dû à la pandémie de la Covid-19, les employés
municipaux en ont profité pour repeindre le marquage de l'intersection, abandonnée des touristes. Le studio lui-même
a été fermé pour la première fois depuis son ouverture il y a 89 ans. Les studios et la rue sont classés monuments
Grade-II par le National Trust.
C'est à la suite de la sortie d'Abbey Road sur le marché en 1969 que Paul McCartney fut l'objet d'une incroyable
rumeur prétendant qu'il s'était tué dans un accident de voiture en novembre 1966, et qu'il avait été remplacé par un sosie.
Pour les partisans de cette thèse, le point de départ est donc cette pochette, et les albums antérieurs se verront à leur tour
décortiqués.
Plusieurs « indices » ont été apportés par la couverture. Paul traverse le passage piéton pieds nus, comme les morts
que l'on enterre en Inde ; la Volkswagen blanche que l'on voit est immatriculée LMW 28 IF soit Living-McCartney-Would be 28 IF
(« McCartney vivant aurait eu 28 ans SI », ce qui ne peut pas vraiment concorder car McCartney avait 27 ans lorsqu'Abbey
Road est sorti) ; le LMW de la plaque voudrait aussi dire Linda McCartney Weeps, soit « Linda McCartney pleure ».
Tout ceci serait corroboré par le fait que Paul est le seul membre du groupe à avoir la jambe droite en avant,
les autres avançant la gauche : en effet, certains en concluent qu'il roulait du côté droit de la route lorsqu'il a eu
son prétendu accident. Il tient aussi sa cigarette de la main droite alors qu'il est gaucher, d'où la suspicion de la
présence d'un sosie et non du vrai McCartney sur la couverture.
Comme en clin d'œil à cette rumeur, un album solo de Paul McCartney est intitulé Paul is Live : littéralement,
le titre signifie « Paul en direct » (l'album en question étant une compilation de concerts), mais live signifie également
« vivant », pour marquer le contraste avec Paul is dead. La pochette de l'album est d'ailleurs une photo de Paul
sur le même passage pour piétons, où il est cette fois uniquement accompagné de son chien. La voiture est toujours
présente, mais cette fois-ci, sa plaque est « 51 IS », indiquant que Paul est vivant et qu'il a 51 ans, âge qu'il avait
effectivement au moment de la sortie de l'album, en 1993.